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A travers le film « Mounyou Ani Sabali », les femmes se prononcent sur les violences sexuelles

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Journaliste-documentariste, Kaourou Magassa vient de sortir son 3e film intitulé : « Mounyou Ani Sabali » (pardonner et supporter).

Dans ce long documentaire de 52 mn, le jeune malien donne la parole à des femmes pour briser le silence sur le principe qui les contraint à se taire sur des violences notamment le viol qu’elles subissent au quotidien.

Le film a été présenté au public, le mardi 5 mars, dans le cadre de la 4e édition du festival Ciné Droit Libre à l’institut français de Bamako.

Pour en savoir davantage sur ce film, Mali Tribune est allé à la rencontre du jeune réalisateur de 30 ans, qui est également correspondant de TV5 Monde à Bamako.
Entretien!

Kaourou Magassa : Vous venez de sortir votre 3e film intitulé « Mounyou Ani Sabali ». Parlez-nous en peu ?

Mali Tribune : Si j’ai bien compris les traductions maliennes, « Mounyou Ani Sabali » veut dire supporter et pardonner. C’est un principe qui est édicté, à la limite imposé aux femmes pour supporter ou pardonner tout ce qui est fait pour ou contre elles dans la société. Et tout ce en vue du bien de la destinée des enfants. Mais le titre de mon film a un point d’interrogation car dans le film on met en question ce principe là qui est édicté dans la société malienne. Dans le film on confronte ce principe à la question des violences sexuelles notamment le viol. On sait que le viol est un tabou ici au Mali et qu’il y a une pression immense pour que les femmes se taisent là-dessus. Donc avec ce film, on fait en sorte de réfléchir à cette question et de se poser la question de savoir si ce principe est bon ou pas.

Mali Tribune : Quelles sont donc vos attentes des femmes?

K. M. : Je n’ai pas d’attente particulière. Mon objectif c’était simplement de tendre mon micro à ces femmes à qui l’on donne souvent trop peu la parole. Je suis juste un relais. Je suis journaliste donc, mon rôle au quotidien c’est de parcourir chaque jour la ville, le monde pour trouver des informations, faire parler, par exemple, le boutiquier qui est dans son coin en colère contre le gouvernement ou faire connaitre les grands projets du gouvernement par les populations. Mon rôle c’est vraiment de transmettre l’information.

Dans le film, les femmes posent énormément de questions sur leur condition de femmes, sur les rapports qu’elles ont avec les hommes et surtout sur la reconstruction face au traumatisme du viol. Du coup, à travers ce film, j’expose un état de fait et c’est au public de réfléchir à ce qui a été dit et ce qu’il a vu.

Mali Tribune : Dans votre film, ce sont uniquement des femmes maliennes que l’on retrouve ?

K. M. : Ce sont des femmes maliennes ou d’origine malienne vivant à Bamako comme à l’extérieur du pays. Après elles ont des parcours différents et vivent dans des villes différentes.

Mali Tribune : En menant un tel combat, comment avez-vous senti l’investissement des femmes à vos côtés ?

K. M. : Leur investissement a été très différent même si elles ont été très disponibles elles-mêmes. Elles avaient beaucoup de choses à dire. Mais dans le film, il n’y a qu’une seule qui parle à visage découvert sinon les autres sont toutes dans l’anonymat. On a trouvé des astuces pour les protéger parce que souvent, leurs parents ne sont pas au courant des violences qu’elles ont subies.

Mali Tribune : Quelles sont les difficultés que vous avez rencontrées et l’appui dont vous avez bénéficié ?

K. M. : Les difficultés rencontrées sont diverses. Ce n’est pas évident de faire un film. Il y a toujours des soucis que ça soit logistique ou en terme de temps, puisqu’il y a des délais à coordonner d’autant plus que la société de production est au Burkina Faso et moi au Mali. Le film se faisait également sur plusieurs villes (Bamako, Paris, New-York) ce qui a demandé beaucoup de temps. Une autre difficulté, c’était comment nouer une relation avec les témoins pour qu’elles me racontent leur vie alors qu’elles ne me connaissaient pas auparavant. Après parmi les soutiens dont j’ai bénéficié, il y a la boîte de la production qui a financé le film. Il y a aussi le Fonds des Nations Unies pour la Population qui a apporté un soutien pour la postproduction. Un soutien assez conséquent d’ailleurs puisqu’ils ont trouvé le projet très intéressant qui rentre également dans la droite ligne de leurs prérogatives ici au Mali. A cela s’ajoute le soutien de mes amis, mes proches et famille qui ont été toujours là pour m’épauler.

Mali Tribune : Dans l’avenir, quel genre de trophée comptez-vous remporter avec ce film ?

K. M. : Le plus grand trophée que j’aimerais remporter, c’est juste que les populations disent que mon film les a fait réfléchir, a fait changer des choses. Après la projection de mon film, s’il y a une vague de prise de parole sur la question des violences sexuelles, je serai l’homme le plus heureux. C’est dire que je n’ai pas d’aspiration de gagner un trophée, mais de contenter les populations en leur montrant des histoires qui les ressemblent, des histoires sur leur quotidien et les histoires qui les touchent aussi. Mais après ça fera toujours plaisir de voir mon film sélectionné pour un tel ou tel festival. Cela signifiera que mon travail a été reconnu par mes pairs.

Mali Tribune : Quel regard portez-vous sur le cinéma malien à l’état actuel ?

K. M. : Il y a des choses intéressantes à voir dans le cinéma malien parce qu’il y a des velléités. Je parler de velléité parce que pour moi, ce n’est pas une volonté que le cinéma malien sorte de l’ornière. Il y a eu une grosse vague avec les Tontons comme Cheick Oumar Sissoko, Souleymane Cissé qui ont fait de très belles choses. On a été dans le creux de la vague pendant un petit à moment. Maintenant on est en train de remonter la pente avec des réalisateurs comme Toumani Sangaré qui va prochainement sortir son prochain film. Il y a aussi une Franco-malienne Koudédji Sylla qui a fait une série documentaire sur les villes africaines et Hawa N’Diaye qui a fait un très bon court métrage. Il y a plein de gens qui essayent de faire des choses de qualité. J’espère que ça va continuer et porter une saine émulation au cinéma malien. Il y a plein de choses à raconter dans le pays et il y a de la place pour que tout le monde s’exprime pour faire de belles choses. Il y a des talents ici c’est indéniable. Donc il faut qu’on travaille et on va tous s’y mettre pour travailler et faire des choses exceptionnelles puisqu’en terme de qualité, le journaliste malien, le cadreur malien ou le réalisateur malien n’a rien à envier à son homologue de Los Angeles. On a tous les mêmes idées. Et après c’est l’ambition et l’intérêt qu’on met dans nos tâches qui font faire la différence.

Interview réalisée par
Alassane Cissouma/

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