Inspirées par le mouvement #MeToo, deux actrices, la Française Nadège Beausson-Diagne et la Burkinabè Azata Soro, présentes au Fespaco de Ouagadougou, ont accusé jeudi des cinéastes africains de harcèlement sexuel et d’agressions contre elles.
« Il est temps de parler. La peur doit changer de camp », a déclaré Nadège Beausson-Diagne, populaire pour ses rôles dans la série « Plus belle la vie » et le film « Bienvenue chez les Ch’tis », lors d’un entretien avec l’AFP pendant le 26e Festival panafricain du cinéma et de la télévision de Ouagadougou (Fespaco).
« Il y a eu #Metoo en Amérique, #Balancetonporc en France; en Afrique personne n’en a encore parlé, mais ce n’est parce que ça n’existe pas. C’est là partout, pas que contre les actrices, mais aussi les réalisatrices, les scénaristes, les techniciennes, qui vivent le harcèlement, des agressions sexuelles, des viols », affirme la comédienne de 46 ans.
En lançant le mouvement #Memepaspeur, elle veut « libérer la parole des femmes » en Afrique.
Comédienne et réalisatrice de 32 ans, Azata Soro dit avoir été agressée et défigurée en 2017 par le réalisateur burkinabè Tahirou Tasséré Ouedraogo lors du tournage d’une série, « Le Trône », produite par Orange Studio, en compétition au Fespaco.
Un monstre
A la suite d’un incident sur le tournage, « il m’a agressé avec un tesson de bouteille. Il m’a déchiré le visage », raconte-telle en larmes.
Elle affirme qu’auparavant, il l’avait harcelée sexuellement pendant six ans lors de plusieurs productions, lui demandant de le « masser », insistant pour coucher avec elle.
Au procès pour l’agression avec le tesson de bouteille, M. Ouedraogo avait reconnu les faits, demandé pardon, et été condamné par la justice à une peine de prison avec sursis, selon un journaliste de l’AFP présent à l’audience. Il n’a jamais versé de dommages et intérêts à Mme Soro, selon elle.
« Tahirou est un monstre », dit-elle.
Joint au téléphone par l’AFP, M. Ouedraogo s’est refusé à tout commentaire.
Sans vouloir donner de nom, Nadège Beausson-Diagne explique avoir été victime de harcèlement et d’agressions lors de deux tournages en Afrique, après s’être fait connaître dans un film sélectionné au Fespaco en 2001.
Dans la première production, au Burkina, « le producteur a fait venir plusieurs grands réalisateurs qui m’ont dragué lourdement ». « Ils m’ont dit qu’ils avaient la clé de ma chambre d’hôtel. Je ne dormais plus », raconte la comédienne, étouffant des sanglots.
Parler pour se reconstruire
Lors du tournage d’un autre film, qui sera sélectionné au festival de Cannes, le réalisateur a demandé à la maquilleuse : « Fais en sorte que Nadège couche avec moi, sinon je te vire+ ».
« Avant chaque action, il venait me dire +je t’aime+ à l’oreille ». « Il m’a proposé de l’argent, de m’installer dans une maison, de me faire des enfants, de faire venir ma mère. Sa maîtresse enceinte était présente sur le tournage ».
Puis l’agression sexuelle est arrivée. « Pour aller à une réception, je me suis retrouvée seule en voiture avec lui. A un moment il a tourné pour s’engager dans une forêt, et il a commencé à me toucher. J’ai hurlé, il a arrêté ».
« C’était il y a longtemps, mais la douleur est toujours là. J’invite les jeunes femmes à parler pour se reconstruire », explique Mme Beausson Diagne.
« J’invite aussi « les institutions » à ne plus donner des subventions » « à ces prédateurs sexuels, qui ne font des films que pour coucher avec des jeunes femmes », lance-t-elle.
Lancé fin 2017, le mouvement de libération de la parole des femmes #MeToo, et son équivalent #Balancetonporc en France, ont éclaboussé les mondes du cinéma, de la mode, des médias et de la politique, conduisant à la chute de nombreuses personnalités.
AFP