Le tout premier album de l’auteur-compositeur et interprète Rdcongolais Bhino Bhino s’impose comme une véritable passerelle, une envie imaginative et créative d’un chemin capable de mener au bon son. Ce choix assumé, passe par l’expérimentation d’une musique dont le but serait d’adoucir humeurs et mœurs de quiconque se laisserait bercé par elle. Une belle opportunité pour les mélomanes de partout.
Au travers d’une brochette de mélopées touchantes, concoctées de mains de Maitre et offertes dans une langue poétique, l’artiste nous fait gouter en quarante-deux (42) minutes, une esthétique à la fois pudique et douce. Une musique en phase avec sa sève esthétique pour réussir son ancrage dans la mémoire collective. Musique dans laquelle chacun pioche une part du sien, au moment où la chanson congolaise vit une époque difficile, envahie par les sonorités étrangères qui telle une gangrène, la détruisent et cherchent à la reléguer au second plan.
En Swahili, en français, en Anglais et en Lingala, des langues que le musicien emploi parce qu’elles sont siennes, différents thèmes sont abordés même si la part-belle est faite à l’amour, la sensualité, avec ses phases de conquête comme de déchirement d’une séparation imminente. Dans Tenda par exemple, l’artiste parle de la persévérance dans un domaine qui est le sien, avec des difficultés de décoller ou de bénéficier d’une reconnaissance de la part de ceux qui donnent de la côte à la musique : chroniqueurs, critiques, mécènes, curateurs ou publics.
Ecouter cette musique c’est goutter aux délices de onze titres construits à l’usure d’un langage argotique et métaphorique pour peindre un tableau d’angoisses, de pleurs, de poisse, de peur, de joie ou de bonheur d’une société la notre, avec élégance et poésie.
Chaque médaille aurait donc son revers !
Deux morceaux de cet album, illustrent bien ce propos : Fwashi Yangu (ma place, ndlr) et Novelas. Si l’auteur-compositeur fait de la première une ode à l’amour en pleurant quasiment toutes les larmes de son corps pour une place dans le cœur d’une beauté érigée en «seule raison de vivre », il n’hésite pourtant pas à accuser dans la seconde, les télés Novelas d’annihiler, corrompre, dépraver les mœurs de ce qu’il appelle et le titre lui va bien, Génération android. Une génération qui se met au diapason de la culture d’autrui au détriment de la sienne. Changement décrié aussi, par le photographe lushois (de Lubumbashi) Alain Senga qui, dans Les Métamorphoses, alerte sur le danger de la perception de la beauté, dont la norme semble définie par la publicité : lèvres pulpeuses, peau claire ou silhouette généreuse.
C’est par ce message de texte ficelé, d’une voix qui puise ses origines dans le soul sur fond d’hybridation de rumba et musique urbaine que le musicien arrive à adoucir humeurs et mœurs d’une société éblouie par le choc de cultures et qui a plus que jamais, besoin de se repositionner. C’est en cela que Bhino Bhino est pour sa génération, une passerelle qui mène au bon son !
Costa Tshinzam/Critique d’Art